Groupe Mobilités

Développement régional durable et mobilité : 

Comment redonner plus de pouvoir aux citoyens dans une mobilité en mutation ?

 

Contexte

Se poser pour progresser ?

Il y a dans cet oxymore nous semble-t-il l’essence de la problématique de la mobilité. Il n’est ni question de ralentir, de retour en arrière à peine un regard dans le rétro, bref il n’est pas question de refuser cette idée du progrès si ce n’est pas n’importe lequel.

 

Le modèle actuel de fonctionnement de notre société s’appuie sur un système de mobilité basé sur l’usage de la voiture individuelle pour les personnes et le recours aux camions pour une grande partie du fret international. Cette approche de la mobilité contribue à la fois l’organisation de notre production, de notre consommation et de l’aménagement de notre territoire.

Plusieurs tendances d’évolutions lourdes conduisent à poser la question de l’avenir de ce modèle :

* Le vieillissement de la population qui rend l’exercice de la conduite plus difficile, obligeant certains à renoncer à l’usage de la voiture,

* Le développement des technologies de l’information et de la communication qui représentent souvent des coûts supplémentaires pour les foyers (équipements, abonnements) mais offre aussi de nouvelles opportunités d’organisation de la mobilité(covoiturage, courses sur internet…)

* Les prévisions concernant l’augmentation des prix de l’énergie et les problématiques environnementales amènent un certain nombre d’acteurs à poser la question des alternatives à l’usage individuel de la voiture et plus généralement à poser la question du coût de nos déplacements (personnes, fret,…),  de la vitesse de ces déplacements et de ses effets induits,…

 

La remise en cause de ce modèle de mobilité n’est-elle pas avant tout :

1- une question d’urgence économique (défendre le revenu disponible des ménages en leur permettant de ne plus dépenser autant aujourd’hui et très certainement beaucoup plus demain mais également la trésorerie des acteurs économiques.

2- Une question d’urgence énergétique et environnementale (la substitution des énergies fossiles par d’autres énergies et très certainement la recherche de solutions permettant de consommer moins d’énergie quelle qu’en soit l’origine est déjà posée). Le scénario de repli envisagé avec la voiture électrique pourrait bien conduire aux mêmes impasses s’il ne s’accompagne pas d’une révision de notre relation à la voiture (partage, multi modalité, réorganisation des besoins de déplacements,..). Dans le prolongement de cette idée, le scénario qui reposerait sur un véhicule électrique ne fera pas l’économie de réflexions transverses portant sur les questions essentielles du stockage de l’énergie, de la production d’énergie renouvelables.

3- Une question « d’urgence industrielle »  (Gabriel Colletis) ; permettre à des filières françaises, bretonnes, européennes de répondre aux demandes de mobilité à venir,  tant du point de vue de la production de biens et de services que de biens industriels. La dimension vertueuse d’une démarche qui aurait réussi à engendrer un changement de comportement sur les usages de nos moyens de déplacements pourrait bien conduire à un naufrage industriel. Les  vertus d’un territoire ne produiraient-elles pas un effet d’aubaine pour d’autres,…

4- Une question d’urgence financière ; réorienter au profit du territoire des flux financiers ainsi dégagés qui échappent au territoire, sous peine qu’ils soient désintermédiés au même titre que leurs acteurs socio économiques. Plus généralement, la question de la mobilité reposera vraisemblablement sur la maîtrise des nouveaux moyens de paiement par des acteurs territoriaux permettant l’inter opérabilité entre plusieurs opérateurs agrégés autour de l’opérateur transport, permettant l’inter modalité des moyens de déplacements et adossés à des systèmes de géolocalisation et des plateformes d’informations en temps réel. Les questions qui lient intimement celles de l’inter opérabilité et celles de l’inter modalité devraient conduire les opérateurs publics, du tourisme, du transport, des acteurs économiques (commerces, services), des représentants des usagers, des banques à revoir leurs modes d’intervention pour s’engager sur des coopérations transverses conduisant inévitablement à revoir les modèles économiques de partage de la valeur correspondant à leur rémunération sur les services distribués. L’enjeu est de taille : maintenir et réorienter sur leurs territoires les flux financiers qui pourraient leur échapper au profit d’autres intervenants (opérateurs de l’internet mobile, des réseaux sociaux), mais également garantir la maîtrise des données personnelles par les usagers eux mêmes (une éthique des usages). Les questions sur le partage de la valeur au profit d’acteurs locaux sont essentielles. L’attractivité d’un tel territoire pour des activités touristiques ne serait pas négligeable. Enfin, dans un contexte de diminution des finances publiques et compte-tenu de l’importance de la mobilité pour le fonctionnement de notre société

(flux de personnes et de marchandises), certains acteurs se lancent déjà dans une réflexion globale sur leurs organisations afin d’anticiper les évolutions qu’elles pressentent en mutualisant leurs connaissances et leurs initiatives. (BMA par exemple).

5- Une question d’urgence sociétale et solidaire, d’aménagement du territoire et de logistique : permettre à tous de se déplacer pour travailler, ou pour tout autre motif dans la perspective de faire société sous peine de voir naître des usagers pétrifiés devant leurs écrans tels de nouveaux errants immobiles rivés devant les images, mirages de mondes suspendus aux limbes d’horizons cathodiques inaccessibles. L’inter modalité ne devrait elle pas rechercher également le respect de cette liberté de déplacement en imaginant un maillage et l’irrigation du territoire de moyens multimodaux. Si tel est le cas cette question reposera des questions inhérentes aux choix d’aménagements, débouchant qui sait sur des partages d’espaces fonciers permettant d’organiser ce maillage sans augmenter l’artificialisation des espaces. Par ailleurs, la réforme territoriale, en redessinant les territoires, en redistribuant certaines compétences, conduit de nouveaux acteurs publics à se pencher sur cette question des mobilités. Elle conduit également de nouveaux acteurs privés à s’y intéresser préfigurant «l’émergence de ces tiers espaces et autres lieux  signes avant coureurs de la construction de ce nouveau pacte spatial » (Jean Ollivro).

Compte-tenu de l’urgence, il est utile de faire le point des différentes initiatives conduites en Bretagne et de les partager pour en dégager les meilleures synergies et proposer un plan d’action global à l’ensemble des acteurs du secteur.

En effet, l’avenir de notre territoire ne dépend-il pas de notre capacité à maîtriser les enjeux inhérents au choix de développement spatial, à l’organisation de nouveaux systèmes de mobilité, à la maîtrise de la transition énergétique, à envisager de nouveaux modèles de développement tout simplement ?

Les structures territoriales bretonnes et leurs usagers ainsi que les modes de mobilité actuels marqués par l’utilisation des énergies fossiles et de la voiture appartiendront-ils vraiment complètement bientôt au passé ? L’accélération des cycles de crises énergétiques et leur amplitude croissante peut-il laisser la place au doute quant à la nécessité de changer ? Combien de temps encore un nombre croissant de nos concitoyens habitant des périphéries urbaines pourront-ils accepter de consacrer la quasi totalité de leurs revenus aux dépenses contraintes dont l’énergie et parmi elle celle consacrée à leurs déplacements pour gagner le fruit de leur travail. Comment les séniors habitant ces périphéries vont-ils s’organiser pour continuer à vivre dans ces territoires alors que l’usage de la voiture leur devient de plus en plus difficile ? « Ce qui devait être le sésame de mon autonomie, le signe de mon ascension,  m’asservit un peu plus chaque jour. »

Aménager les territoires en ce début de siècle ne signifie-t-il pas accepter aussi de nouvelles manières d’envisager puis d’organiser la mobilité. Assiste-t-on déjà à une recomposition des modes et pratiques des déplacements autour de

nouveaux paradigmes ? Que peut bien signifier aménager durablement le territoire en Bretagne ? Concevoir une approche globale des mobilités, des cadres bâtis, de l’implantation des activités, nouveaux et existants dans une vision transverse :

* reconvertir l’offre et la demande énergétique aux ressources renouvelables,

* maîtriser nos consommations, notre empreinte environnementale, adapter nos usages,

* développer les usages des TIC dans la perspective de modèles de mobilité  fluides, économes et répondant à la demande de liberté dans les déplacements.

* innover pour inventer de nouveaux modèles économiques plus coopératifs et tout aussi productifs, sans renoncer aux exigences d’esthétique ou de confort,

* mieux qualifier les espaces en devenir,…

États des lieux des réflexions conduites en Bretagne

Les groupes de réflexions sur le thème de la mobilité et des transports sont orientés autour de deux problématiques :

 

* l’une orienté vers la problématique de la mutation industrielle du secteur de l’automobile, secteur industriel qui constitue l’un des fondements du dynamisme économique breton, en particulier en Ille et Vilaine (Rennes et Redon)

* l’autre traitant de la question de l’évolution de notre relation à la mobilité en général.

 

Ces deux axes de réflexions ont de nombreux domaines de convergence. En effet, compte-tenu de l’importance de l’automobile dans le développement industriel et économique de la Bretagne, la voiture reste aujourd’hui une solution que les acteurs souhaitent pouvoir faire évoluer et adapter à l’augmentation du coût de l’énergie. Bien adaptée à la forme d’habitat actuel et aux infrastructures, elle semble effectivement une nécessité au fonctionnement actuelle de la région.

 

Il faut cependant veiller à ce que ces deux réalités (organisation économique et organisation spatiale) ne brident pas les réflexions qui pourraient trouver de nouvelles alternatives à la mobilité.

 

En s’appuyant sur les différents scénarios d’évolution proposés dans « La Nouvellle Economie des Territoires » le travail du groupe « mobilité » pourrait s’attacher à proposer une vision prospective d’aménagement du territoire breton qui permettrait d’accompagner ces nouveaux modèles de mobilité.