Newsletter 2014 3ème trimestre : Le méritoire breton

 

Jean Ollivro

Edito :
Le méritoire breton, war-raok ar Vretoned ! *

 par Jean Ollivro, président de Bretagne Prospective
* En-avant les Bretons !
Alors qu’il est peint d’un bleu uniforme sur nos atlas, l’océan éblouira d’un arc-en-ciel coloré notre avenir. Bretagne Prospective a exploré 250 innovations mondiales démontrant qu’il existe un océan « du dessous » (des pièges à carbone en Norvège), un océan des fonds et surfaces benthiques (les backbones qui assurent 90 % des connexions Internet dans le monde, des restaurants sous-marins), du dedans, de surface (le négoce, les croisières, les nouveaux ports flottants) et du dessus (la surveillance, les drones, etc.). Quel univers !
Cette exploration dépasse les récits du breton Jules Verne et parfois laisse songeur. En effet, l’immense risque est de proroger en mer une conception terrienne qui a parfois mené à des impasses puisque l’on a parfois oublié nos territoires et saccagé le support de nos vies. Pour lors, des immenses déchets ou continents de plastiques sont comme le symbole de cette impasse environnementale exportée vers le continent marin oublié.
Mais demain sera différent. Faisons le pari que la planète « mer » (71 % de la surface mondiale) sera non pas le réceptacle de nos déboires terrestres mais l’indispensable vivier imposant d’autres paradigmes. Avec le premier pôle européen de recherche sur le sujet et tout simplement la moitié des chercheurs français voués à cette thématique, la Bretagne peut être une terre pilote pour initier un aménagement vertueux du méritoire. Ce dernier doit être le temple des énergies nouvelles (éolien off-shore, hydroliennes, etc.), un vivier destiné à nourrir l’humanité (algues, pêche durable, etc.). Il est l’horizon de nos vies. Aux Bretons, peuple « merrien », d’initier ce lien nouveau à l’océan. La France dispose dans le monde de 11 millions de km² de surface maritime et pour l’essentiel contemple immobile le panorama. Et si l’océan était l’avenir, et si l’océan c’était le large ?

Pierre-Yves Maiheu

Notre relation ancestrale avec la mer : la matrice de notre développement productif

 

Entretien avec Pierre-Yves Mahieu, Maire de Cancale
Commune de 5 500 habitants, Cancale est un territoire en forme de losange dont trois côtés sont délimités par la mer : la Baie de Cancale et celle du Mont Saint-Michel à l’est ; la pointe du Grouin, ouverte sur les grands espaces maritimes.
Quelles sont les activités économiques développées sur le territoire de Cancale ?
Si la terre a toujours été légumière, le rapport à la mer – des bancs de Terre Neuve à la pêche côtière, de la navigation de commerce à l’ostréiculture, sans oublier la plaisance et la course au large avec le départ de la Route du Rhum – a toujours été facteur de développement économique et social. Ces activités authentiques sont à la base de l’attractivité touristique car elles animent toute l’année notre territoire. Il est donc essentiel que l’équilibre de l’écosystème de la Baie soit préservé. Ceci explique ma mobilisation dans un projet d’avenir qui rappelle en outre que les secteurs littoraux ont également construit leur propre histoire par le développement et l’évolution d’une économie productive.
Quels sont justement les enjeux du projet visant à exploiter la crépidule (gastéropode marin) ?
La crépidule est une espèce invasive (plus de 200 000 tonnes en Baie de Cancale) dont le développement permanent fait courir un risque immédiat, par la compétition trophique qu’il génère, à l’actuel écosystème de la Baie y compris des productions d’huîtres (9 000 T) et de moules (12 000 T) en plus de l’impact négatif constaté sur la pêche aux poissons plats. Cela justifie mon soutien actif et engagé pour trouver une réponse pérenne et créatrice de valeur. Transformer une menace écologique en opportunité de développement durable est un formidable challenge qui nourrit mon engagement. L’éradication étant impossible, il fallait imaginer la gestion d’un prélèvement rationnel qui permette la maîtrise de la pression sur le milieu naturel tout en assurant un suivi de la ressource.
La qualité du processus de séparation à froid de la chair et de la coquille, maîtrisé par l’entreprise SLP, permet d’envisager une double valorisation de la crépidule. La chair, source de protéine marine, a une vocation nourricière. L’intérêt manifesté par de nombreux chefs cuisiniers démontre qu’il y a là une valorisation noble à initier, en France et à l’export (USA, Chine, Japon, Canada, etc.). La coquille est pour sa part un composé de chimie durable dont la qualité du calcaire permet d’envisager son usage comme amendement de terres agricoles mais aussi comme reminéralisateur d’eau, base de matériau pour fabriquer des pavés drainants ou de la peinture blanche.
Dès lors, à quelle échéance ce projet doit-il se concrétiser ?
La levée de fonds (700 000 euros) réalisée par l’entreprise cancalaise SLP auprès de Logoden et Atalaya permet d’envisager l’industrialisation de la production dès septembre 2014, grâce à l’extension du bâtiment nécessaire au redéploiement de la chaîne de fabrication. C’est l’aboutissement d’un très long travail de conviction d’acteurs publics et privés qui a permis de lever les obstacles successifs de l’accès à la ressource en mer, de la transformation de volumes suffisants pour intéresser différents clients et justifier de futurs développements avec retours sur investissements.
Accueil, Attitude et Amour du travail bien fait (et de Cancale…) (source : www.ville-cancale.fr). Comment partagez-vous cette philosophie ?
Parce que l’action ce sont des hommes au milieu des circonstances, le maire de Cancale ne pouvait se résoudre à attendre la mort annoncée de la Baie qu’aurait provoqué le développement sans limite des crépidules alors que les touristes veulent découvrir des lieux remarquables, où la vie quotidienne des habitants est en harmonie avec leur espace naturel. Site remarquable du goût, Cancale s’apprête désormais à partager la valeur de l’innovation technologique au service de l’emploi local et de l’environnement, par la valorisation de la crépidule, coquillage du DDay…C’est la poursuite de notre relation ancestrale avec la mer qui est et doit rester aussi la matrice de notre développement productif !

 Littoral Breton

Marc Danjon

La culture simultanée de poissons, de coquillages et d’algues : une 1ère en France

Entretien avec Marc Danjon, Directeur Général Adjoint
du Centre d’Étude et de Valorisation des Algues
Le CEVA (Centre d’Étude et de Valorisation des Algues), basé à Pleubian dans les Côtes d’Armor, est un organisme de recherche privé et un centre technique du réseau ACTIA, labellisé Institut Technique Agro-Industriel (ITAI) par le Ministère de l’Agriculture et de la Pêche.
Le CEVA est le seul centre technique en Europe dédié à l’étude et à la valorisation des végétaux marins (source : www.ceva.fr). Pouvez-vous nous présenter cette structure à travers ses moyens techniques et humains, sa vocation, etc. ?
Effectivement, de nombreuses équipes de recherche travaillent sur de multiples sujets en Europe mais retrouver, sur un même site, toutes les compétences autour des algues, en termes d’environnement, de cultures et de transformation, positionne le CEVA comme une structure unique en la matière. Société d’économie mixte (SEM) créée en 1982 à l’initiative des collectivités locales, le CEVA développe principalement deux missions. La première est d’assister les collectivités locales sur la problématique des marées vertes. La seconde vise à contribuer au développement économique, autour des algues, par l’innovation. Nos fondations reposent ainsi sur un double volet, écologique et économique. Cette cohabitation, efficiente, s’appuie sur une organisation en trois pôles. Le pôle « Algues et qualité du milieu » (AQM) traite tous les aspects écologiques et environnementaux. Le pôle « Algues et matière première » (AMP) est pour sa part dédié à toutes les cultures et les gisements naturels. Enfin, le pôle « Algues-produit » (AP) s’occupe de toute la partie transformation. Comparé au végétal terrestre, AQM mobilise des agronomes, AMP des experts agricoles et AP des spécialistes de l’industrie. Notre équipe de 28 personnes regroupe 80% de techniciens et d’ingénieurs. Ils évoluent dans 1 300 m² de bureaux et de laboratoires, un pilote industriel de 1000 m², des installations de culture à terre et une concession en mer de 6 hectares. Cette dernière vient d’ailleurs d’obtenir les autorisations pour développer une polyculture, une première en France, basée sur la culture, simultanée, de poissons, de coquillages et d’algues.
Dans ce cadre, quels sont vos principaux domaines d’expertise et leurs applications ? Comment croisez-vous, partagez-vous ou mutualisez-vous ces recherches avec vos homologues bretons ?
La recherche, selon la définition fournie par l’OCDE par le manuel de Frascati, se décline en 3 niveaux : fondamentale, appliquée, développement expérimental. En termes d’innovations, nous avons encore 4 strates : produit, procédé, marketing-commercial, organisationnelle. Dans ce contexte, le CEVA se positionne sur la recherche appliquée et le développement expérimental afin de proposer des innovations produit et procédé aux entreprises et aux collectivités. Si on reprend le pôle AQM, nos services dédiés aux collectivités s’articulent autour d’activités de modélisation et de monitoring environnemental développées depuis 20 ans. Cette expertise nous permet d’être reconnus en France comme un leader de la problématique des marées vertes. Concernant le volet Algues-matière première, nous mettons en place des techniques de culture biologique et formons les personnes qui souhaitent se lancer ou se diversifier dans l’aquaculture. Les nouveaux outils techniques que nous leur proposons visent à améliorer la productivité, à réduire les coûts et à optimiser la gestion des espaces à travers des contrats privés ou des programmes de recherches collaboratives.
Au côté de la communauté scientifique, le CEVA a vraisemblablement été en contact avec toutes les entreprises bretonnes de la filière des algues. Nous travaillons ainsi avec l’Ifremer, la station biologique de Roscoff, l’école de chimie de Rennes, etc., et participons, actuellement, au projet Breizh’Alg inscrit au titre des programmes d’investissements d’avenir. Porté par la Région Bretagne, ce programme a pour objectif la mise en place de 1 000 hectares de cultures d’algues dans notre région à l’horizon 2016 ou 2017. C’est un début dès lors que le potentiel de la Bretagne en la matière est dix fois plus élevé. Nous pouvons cultiver les algues en mer ou sur terre, le premier modèle étant le plus économique. Cependant, nous devons faire face à la problématique de l’acquisition, par les porteurs de projets, d’espaces marins. Il est en effet très compliqué d’investir dans quelques hectares puisqu’il s’agit alors de trouver un accord avec tous les acteurs : pécheurs, conchyliculteurs, pouvoirs publics, associations de riverains, etc. De fait, malgré notre expertise et une concession entretenue depuis 20 ans, il nous a fallu 18 mois pour convaincre tout le monde des bénéfices à venir de la polyculture. Eussions-nous été un investisseur privé, nous aurions probablement abandonné notre projet.
Justement, quel avenir pour cette filière dans le contexte mondial ?
La production mondiale des algues s’élevait, en 2013, à 23 millions de tonnes dont 95% provenant de cultures. La production du soja atteint 280 millions de tonnes, celle du maïs 800 millions. 40% de cette production sont dédiés à l’alimentaire (légumes), 40% aux gélifiants (de E 401 à E 407) et 20% à la cosmétique, la chimie fine, la santé végétale, etc. Dès lors, nous sommes bien dans un processus, encore modeste, de cultures et non inscrit dans une cueillette de champignons. Pour autant, en Bretagne, nous en sommes toujours à ce stade. En effet, sur environ 75 000 tonnes récoltées, 95% relèvent de l’exploitation en milieu naturel. Pourtant, les algues ont un usage direct, comme évoqué (alimentaire, etc.), mais aussi indirect. Les algues vertes se développent car elles se nourrissent des nutriments qu’elles trouvent dans leur environnement et, ce faisant, elles nettoient leur milieu. Seules celles qui s’échouent sur les plages sont de nature polluante au même titre que, par exemple, des choux-fleurs qu’on laisserait se décomposer dans un champ (émissions de gaz, etc.). Si nous cultivons sur un même espace, et c’est notre idée, du poisson, des coquillages et des algues, ces dernières vont réduire les nuisances environnementales qui résultent de l’élevage des poissons. Ce modèle économique, nouveau, peut alors permettre de disposer d’une production de poissons plus durable, de réduire l’impact environnemental et de réduire le coût de production des algues. Ces dernières acquièrent en effet un double rôle de phyto-épuration puis, à la fin de leur cycle, de produits commercialisables. C’est la raison pour laquelle nous avons souhaité, et obtenu, l’autorisation d’accueillir des projets en ce sens dans notre concession marine. Pourtant, et j’insiste sur ce point fondamental, si nous voulons vraiment développer la filière Algues, il est nécessaire que l’ensemble des partenaires se mette autour de la table et adopte de nouvelles méthodes d’anticipation et de gouvernance en définissant des espaces et un cahier des charges. Ainsi, les porteurs de projets pourront s’investir immédiatement dans leur production sans passer par une période, très fastidieuse, voire décourageante, de lobbying et de relationnel.

Hervé Balusson

Demain, la mer nourrira l’Afrique

Entretien avec Hervé Balusson,
Président-directeur-général du groupe Olmix
La Chimie verte consiste à valoriser les éco-ressources disponibles. Le Groupe Olmix a basé son développement sur ce concept qui, en Bretagne, s’adapte parfaitement au contexte marin. Nos mers abritent en effet une vaste diversité d’algues dont les vertus, nutritives ou médicales, sont prouvées mais aussi encore à découvrir.
Créé en 1995, le Groupe Olmix est aujourd’hui l’un des grands spécialistes mondiaux de la chimie verte (source : www.olmix.com). Quelles sont les raisons pour lesquelles vous êtes-vous orientés vers l’utilisation des algues ?
Nous avons débuté par la réalisation d’un produit naturel, à base d’algues-argile, dédié à l’hygiène en élevage. Primé à travers le monde comme l’un des premiers produits du bien-être animal, Mistral est utilisé pour le bain des porcelets à la naissance, s’appuie sur les technologies de la cosmétique pour la cicatrisation d’une patte d’un bovin et améliore l’ambiance dans les bâtiments d’élevage, notamment les poulaillers, grâce à l’encapsulation d’huiles essentielles et d’algues (vertu antibactérienne). Pionnier, Mistral est désormais vendu dans 80 pays dans le monde. Le choix des algues résultait d’une démarche marketing qui visait le marché asiatique qui apprécie particulièrement cette matière. De plus, nous disposions gratuitement d’un vivier d’algues vertes à proximité. Rappelons également que les algues-argile sont utilisées en Bretagne depuis des siècles. Dès lors, si les Américains ou les Allemands considèrent que nos algues sont liées à une cosmétique celtique alambiquée, les asiatiques et l’industrie pharmaceutique ont parfaitement intégré l’idée que cette ressource abrite des molécules aux multiples vertus. Puisque des filières industrielles (iode, etc.) se sont développées en Bretagne dès le 17e siècle, nous avons juste opéré un retour aux sources et innové en nous appuyant sur la chimie de synthèse.
Dès lors, aujourd’hui, quels sont les potentiels de cette matière première ?
Aujourd’hui, à travers le monde, l’émergence de nouvelles sources ou filières de biomatériaux représente un enjeu majeur. On commence à s’apercevoir que les milliards de dollars investis dans la conquête de la Lune auraient, peut-être, dû bénéficier à l’exploration des fonds marins. L’économie bleue est un sujet international dont la Chine ou l’Amérique du Sud se sont emparées d’autant plus que, demain, la mer nourrira l’Afrique (population estimée à plus de 2 milliards d’habitants en 2050). En Bretagne, la recherche sur les algues existe depuis la création de la station biologique du CNRS de Roscoff en 1870. Olmix, pour sa part, est sollicité au Canada, en Indonésie, etc. pour monter des usines car ces pays ne disposent pas de nos connaissances. 1 500 chercheurs bretons analysent actuellement le potentiel des algues, leur génome. Des protéines commencent à être séparées et nous disposons d’une réelle expertise concernant les molécules. De plus, notre région abrite plus de 700 espèces d’algues, une biodiversité quasiment unique au monde, dans un environnement géographique où le marnage de la mer nous procure une sécurité sanitaire exceptionnelle. Dans ce contexte, la Bretagne bénéficie de tous les atouts pour développer la filière Algues. Pour autant, ne réitérons pas l’erreur commise lors de la création du minitel ; nous devons nous mobiliser pour mettre en place de vraies filières industrielles.
Plus spécifiquement, comment le problème des algues vertes sur les plages pourrait-il être, selon vous, transformé en opportunités ?
Nous souhaitons nous positionner comme un acteur multi-algues (jusqu’à la micro-algue) en mer et en culture terrestre. Actuellement, 100 000 m3 d’algues vertes sont en excès. Nous avons mis au point une stratégie pour les valoriser. Les marchés sont déjà trouvés et le problème pourrait rapidement être réglé. Cependant, nous faisons face à un blocage sociétal qui repose sur l’idée qu’il n’est pas possible de valoriser de la pollution. D’une part, les algues vertes sont présentes depuis 3,5 milliards d’année. D’autre part, les excédents dus au nitrate devraient se résorber eu égard aux efforts initiés par les agriculteurs. Enfin, leur toxicité provient de leur décomposition, soit trois semaines après leur échouage. Dès lors que nous les récupérons dans la mer, nous avons deux jours pour les congeler ou les industrialiser sans qu’aucune toxicité ne soit détectée. Au contraire, l’une de nos molécules issues de ces algues vertes, est actuellement testée cliniquement pour un potentiel traitement futur du cancer du colon ! De plus, l’algue verte est le premier élément marin sorti de mer pour venir sur la terre. Si nous analysons sa constitution génétique, nous retrouvons des traces préhistoriques qui permettent de réenclencher des phénomènes immunitaires contre le cancer et, j’en suis persuadé, demain le sida. Lorsque nous aurons balayé sa mauvaise image, l’algue verte sera l’une des matières qui servira à soigner des pathologies pour lesquelles aucun traitement n’a été trouvé ces cinquante dernières années.
Nous nous préparons d’ores et déjà à ces échéances à travers, notamment, la réalisation de 500 m² de salles blanches (salle propre selon la norme ISO 14644-1), l’hydrolisation des éléments, etc. Cessons alors de nous plaindre de ces algues, elles sont présentes et nous pouvons les exploiter. L’avance que nous prendrons permettra alors la réalisation d’un nouveau schéma de cultures des autres algues faisant émerger une filière bretonne. Par ailleurs, je monte actuellement un fonds d’investissement, nommé Breizh Algae, qui vise à proposer aux personnes, dans les 10 baies impactées par les algues vertes, un financement sociétal. Il s’agit d’acquérir des bateaux et des machines qui récupèreront en mer ces algues avant qu’elles ne fassent des dégâts sur les plages pour, ensuite, les revendre aux usines qui les exploiteront.
Enfin, Olmix est présent dans 60 pays à travers le monde, emploie 250 collaborateurs et réalise un chiffre d’affaires de 60 millions d’euros en 2013, dont 80 % à l’exportation. Quel regard vos partenaires internationaux portent-ils sur notre région ?

En 2013, mon concurrent américain, orienté sur le marché des levures, a investi 200 millions de dollars dans une usine de micro-algues. En mai 2013, il a organisé un show réunissant les acteurs internationaux de cette filière en s’attribuant le titre de N°1 mondial. En septembre 2013, j’ai donc décidé d’inviter 500 clients, de 25 nationalités, lors du Breizh Algae Tour, événement annuel que nous organisons. A cette occasion, nous avons inauguré notre première bio raffinerie d’algues, unique au monde, à Plouenan (29). J’ai aussi présenté à mes invités l’Océanopolis de Brest, des champs d’algues et, plus largement, la Bretagne. Des chefs d’entreprise de grandes sociétés de l’agroalimentaire, de tous pays, ont apprécié cette rencontre à telle enseigne qu’ils souhaitent revenir commercer chez nous.  Aujourd’hui, sur notre territoire, le niveau de sécurité de la filière agroalimentaire figure parmi les plus élevés dans le monde et commence d’ailleurs à être reconnu partout. J’étais ainsi récemment avec l’équipe France à Shanghai où j’ai présenté notre gamme de produits et la sécurité alimentaire devant un parterre de décideurs chinois vivement intéressés. Dans les années à venir, la Bretagne de l’agroalimentaire va certainement prendre une place dans le haut de gamme, forte de cette image de sécurité et teintée en arrière-plan d’une french touch qui nous aidera. Dès lors, les Bretons doivent être les acteurs de cette dynamique et ne doivent pas attendre que nos partenaires étrangers viennent construire des usines, acheter la matière première et réaliser la valeur ajoutée à l’extérieur.

Dans l’actualité

Une taxation de la distance serait un facteur majeur de désindustrialisation

Loïc Hénaff

Entretien avec Loïc Hénaff
Président du Directoire du Groupe Hénaff

L’entreprise Hénaff a été choisie pour contribuer à l’élaboration de plats festifs destinés aux astronautes de la Station Spatiale Internationale. En 2014, ce seront près de 2 000 plats élaborés par les équipes du chef Alain Ducasse qui seront mis en boîte par Hénaff à Pouldreuzic et qui rejoindront l’ISS pour régaler les astronautes.
Au préalable, en ces temps économiquement agités, comment votre entreprise parvient à traverser cette période ?
Effectivement, les difficultés économiques se succèdent pour notre secteur d’activité, notre amont (l’élevage de porc) ainsi que pour notre territoire. Il ne faut pas non plus oublier la guerre des prix qui fait actuellement rage entre les enseignes de grande distribution (la déflation est de 3% sur les douze derniers mois en épicerie au national). Face à ces difficultés, notre entreprise bénéficie d’une confiance renouvelée de ses actionnaires, majoritairement familiaux, en l’équipe de direction et le mode de gouvernance que nous avons transformé. De bonnes conditions sont réunies pour la cohésion indispensable des organes de décision.
Nous avons dans le même temps actualisé notre stratégie de long-terme et la déclinons très scrupuleusement depuis 24 mois, sans bien sûr, manquer d’agilité lorsque cela est nécessaire.
Nous travaillons aussi beaucoup à renforcer notre marque, son sens, et nos atouts pour rassurer les consommateurs qui n’ont jamais autant douté de l’agroalimentaire (72% !).
Dès lors que votre site de production est basé dans le sud Finistère, quel serait l’impact d’une éco-taxe poids-lourds sur vos capacités d’investissements, d’innovations, etc. ?
Nous avons estimé à plus de 70 000 euros l’impact de l’écotaxe sur notre transport aval et au moins autant sur le transport amont, soit une somme énorme qui grèverait lourdement notre capacité à financer nos projets, voire la confiance de nos actionnaires et partenaires dans notre projet d’entreprise.
C’est ce dernier point qui m’inquiète principalement car l’application de l’écotaxe, ou de l’éco-redevance, ou de toute autre forme de taxation de la distance, et donc de l’éloignement, serait un facteur majeur de désindustrialisation, de « déménagement du territoire ». Qui voudra investir dans le cap Sizun désormais ? Qui voudra entreprendre dans le pays bigouden ? Personne. Clairement personne.
Quelles solutions recherchez-vous afin de résoudre ces problèmes de logistique, d’atténuer autant que faire se peut leur impact financier ?
Nous avons déjà envisagé, comme beaucoup de nos confrères autour de nous qui l’ont déjà fait, de déplacer nos entrepôts vers l’est, avec bien sûr les emplois associés. Nous ne l’acceptons pas au nom de notre projet d’entreprise.
C’est pourquoi nous avons créé, avec d’autres, un Groupement d’Intérêt Economique (GIE) de mutualisation logistique, les Chargeurs de la pointe de Bretagne.
Enfin, sur www.henaff.com, il est écrit « Depuis sa création par mon grand-père Jean Hénaff en 1907, notre entreprise est demeurée familiale. L’esprit des premiers jours est intact et nous souhaitons rester maître de notre destin tout en maintenant l’objectif de notre fondateur : contribuer à la prospérité de notre territoire à la pointe de Bretagne. ». Comment, en gardant les pieds sur terre, rêvez-vous à de nouveaux espaces ?
Il faut toujours garder une part de rêve, non pas de rêve de grandeur ou de pouvoir, mais d’espace de jeux pour nous, acteurs de l’économie. De nouvelles frontières, de nouveaux clients, de nouvelles exigences, de nouveaux fournisseurs… Nous alimentons ces rêves par des projets ambitieux, pas forcément coûteux, mais qui nous ouvrent l’esprit, nous font découvrir de nouvelles technologies.
Fabriquer des produits avec Alain Ducasse pour la station spatiale internationale fait partie de ces projets.
Mais il peut s’agir également de bien gérer le cycle de notre eau qui, puisée dans notre sol, est rejetée dans notre environnement proche après avoir été « nettoyée » dans notre station biologique. Vivre et travailler à Pouldreuzic, à 4 kilomètres de la mer, est un rêve de tous les jours et nous comptons bien le rendre éternel.

News…News…News

Le Livre Blanc de Bretagne Prospective « Explorateurs d’avenirs » est toujours en vente. Fruit de réflexions et de suggestions sur le futur de la Bretagne, cet ouvrage apporte sa pierre en faisant des propositions concrètes dans plusieurs thématiques : politique foncière, tourisme, mobilités et mer. 12 € à commander à contact@bretagne-prospective.org
Si vous ne l’avez pas encore fait vous pouvez adhérer à Bretagne Prospective. Cela vous permet de participer à nos groupes de réflexion et travaux, de recevoir nos informations : newsletters, invitations à des colloques et réunions diverses, etc (bulletin d’adhésion joint).
C’est parti pour le .bzh. Les premières adresses ont été créées. D’ici décembre, l’extension régionale sera accessible aux collectivités, entreprises et particuliers. Rens. www.pointbzh.com
Une réunion sur le thème de la mer est prévue en septembre à Rennes. Elle est ouverte à tous les adhérents. Une invitation sera prochainement envoyée.
Nos groupes de réflexion (santé, transmission d’entreprise, logistique, jeunes générations) travaillent et se réunissent régulièrement. Nous vous tiendrons au courant de leurs travaux.