Les Bretons ont naturellement été pour le moins dépités, sinon écœurés, par les choix d’un appareil qui a refusé de reconnaître la réalité bretonne. Certains se sont peut-être découragés. La blessure et certaines trahisons d’hommes politiques, qui pourtant s’étaient exprimés très clairement et fermement en faveur de la réunification, seront-t-elles oubliées ?
Cela dit, la Bretagne conserve son nom et n’a pas été non plus démembrée ou noyée dans un magma informe. De même, avec quelques manifestants mais une réelle volonté politique (il a suffi de quelques élus motivés), la Normandie a réussi à se faire reconnaître et c’est tant mieux. L’enjeu de la réunification ne nous semble pas perdu et ce pour plusieurs raisons. Cet enjeu est même sans doute plus important que jamais.
Tout d’abord, le nouvel « équilibre » régional crée d’un côté des ensembles informes et ingérables qui vont bientôt se déchirer notamment sur les questions de « capitale ». De l’autre, il maintient en l’état des régions plus petites qui vont voir leur capacité financière diminuer de façon relative. La cohérence normande peut, à l’inverse, être vertueuse et démontrer les bénéfices d’une région unie et solidaire. Preuves à l’appui, elle peut avancer et démontrer que la pertinence régionale doit être étendue aux régions fortes de l’Ouest de la France que nous préconisons (Bretagne, Normandie, Val de Loire).
Ensuite, si rien n’a bougé, rien n’a été détruit. La Cour d’appel de Rennes et le droit s’exercent toujours sur l’ensemble de la Bretagne et ses cinq départements. Un point intéressant est de voir que ce qui est gagné sur la Loire-Atlantique est très difficile à enlever. De manière symbolique, le Président Patrick Mareschal avait fait mettre le drapeau breton sur le Conseil général. Imagine-t-on aujourd’hui une seule seconde que Philippe Grosvalet souhaite l’enlever ? Cette réalité constructive de la société civile se voit aussi avec le tourisme ou les entreprises de Produit en Bretagne, qui viennent de réaliser leur Assemblée générale à … La Baule. Si la situation ne change pas au plan institutionnel, la société avance par petites bribes (des votations citoyennes par ci, des prises de position de chefs d’entreprises par là).
Enfin et surtout, ces réalités d’une Bretagne à cinq expriment de plus en plus une « Bretagne qui marche », une Bretagne conquérante et qui avance au regard de l’inertie des appareils. L’Assemblée générale de Produit en Bretagne fut un cas d’école. La dynamique de l’Agence Culturelle Bretonne est exceptionnelle (voir le site http://www.acb44.com/) et elle vient d’adresser un questionnaire fort intéressant aux candidats des élections départementales http://www.acb44.com/images/Propositions_Livre_Blanc44_departementales_2015.pdf. Bretagne Culture Diversité développe ses actions sur les cinq départements. Le .bzh s’étend actuellement en Loire-Atlantique, etc. Un point crucial est que certaines réalités s’opèrent moins pour des raisons militantes que par le bon sens économique.
Face à ces dynamiques liées précisément à cette identité, issues de cette certitude indéfectible de vivre dans un territoire commun, les appareils technocratiques semblent si loin. Ils entrent de surcroît dans une période de difficulté (notamment financière) qui va, à tort ou à raison, voir leur poids relatif s’affaisser. L’avenir sera donc de plus en plus à la société civile. Construisons la Bretagne, au quotidien. Même par de petites initiatives. Une fois que les choses sont en place, plus personne ne s’y oppose, bien au contraire. Le fait va précéder le droit. A la question « L’unité bretonne, que faire ? », on suggère une seule réponse : « L’unité bretonne, la faire ».
Le Comité de rédaction de construirelabretagne.org