Guingamp : la mort programmée d’un pays ?
Deux éléments font que la fermeture de la maternité de Guingamp est inacceptable, ou alors suicidaire.
Le premier est qu’il est difficile de trouver en Bretagne un pays aussi bien individualisé. En effet, la ville se localise dans une situation rare en Bretagne, un peu dans les terres, et s’intitule logiquement carrefour de l’armor et de l’argoat. Si la commune de Guingamp ne compte que 8 008 habitants, elle est au centre d’un pays nettement identifié qui regroupe 64 communes et 72 000 habitants. Il s’agit donc d’une centralité que les géographes qualifient de secondaire… mais qui joue un rôle primordial en créant un pôle intermédiaire entre les villes littorales (ici Lannion, Paimpol) et l’arrière-pays (il faut trois quarts d’heure pour rejoindre Carhaix, 55 minutes pour rejoindre Loudéac). Situé exactement à mi-chemin entre Saint-Brieuc et Morlaix, le pays de Guingamp est donc incontournable et cette ville assure une centralité effective et indispensable pour des dizaines de milliers de personnes. Y fermer la maternité reviendrait alors très directement à désertifier ce territoire, à créer une augmentation éventuelle des risques en cas d’urgence, même si, sur ce sujet, rien n’est simple car trop peu de services peuvent aussi augmenter les problèmes ; à dire surtout que ce pays est sans avenir.
Car le second point touche surtout à la dimension symbolique. Ceux qui disent que la maternité doit fermer pour des raisons financières (et être remplacée par un pôle « périnatal ») ont-ils réfléchi à la portée économique de cette décision ? Au-delà des seules considérations de services, il ne serait donc plus possible de naître à Guingamp, plus personne ne se dirait « de » Guingamp. Or, on sait aujourd’hui que le sentiment d’appartenance et la volonté de vivre et travailler au pays sont parfois, pour quelques décideurs, un élément fondamental aidant au lancement de projets territorialisés. Les décideurs ont-ils une seconde réfléchi à la portée exacte de leurs décisions ? Si l’on voulait tuer la vie économique de Guingamp, on ne s’y prendrait pas mieux. Le pays gardera ses cimetières et ses services de gériatrie. A l’inverse, ce sera un réel bassin de vie… où l’on ne pourra plus naître. Les retombées économiques de cette mesure risquent d’être colossales, déterminantes, de freiner directement l’implantation de jeunes ménages, d’avoir un effet cumulé sur bien d’autres services et un impact négatif qui dépassent de très loin les seules difficultés financières ou comptables qui président à cette décision. C’est un enjeu global d’image. Avec d’autres, comme à Carhaix, de dire non à cette fermeture qui est tout sauf anecdotique. Elle s’opérerait en contradiction flagrante avec un pays qui, sur plusieurs aspects (que ce soit aux plans économique, sportif ou culturel), sait au contraire se souder. Malgré toutes les difficultés, il n’est pas possible de fermer un tel symbole pour tous ceux qui, comme nous, sont convaincus que l’équilibre territorial est la chance essentielle pour l’avenir de la Bretagne.
Jean Ollivro