Le Breton a sans doute deux terribles défauts. Le premier est d’exister. Le second est d’être pragmatique.

Dans le premier cas, ce livre apparaît au moment le plus inattendu, alors qu’aucun candidat ne parle de territoires ou même de « Régions ». Les « Régions » ? Vous n’y pensez pas ! Le Front National exige même leur suppression. La Bretagne est hors-sujet. Aucun prétendant n’en parle. C’est la France comme si. C’est Paris, la ville lumière. Mais en déplacement à Barcelone. Comme si la Bretagne n’existait pas. Comme si les Bretons n’existaient pas.

Sauf qu’ils existent. Tout, dans ce livre, s’écrit à l’opposé du magma présidentiel actuel.

Tout d’abord, la date de diffusion. Il n’y a que des Bretons pour lancer un pavé au moment où « l’urgence est « la course à l’Elysée ». Ici, l’urgence n’est pas une course individuelle où il faut être premier. Il est issu d’un collectif de personnes qui ne partagent pas tout mais s’entendent suffisamment pour promouvoir des propos globalement  partagés. L’enjeu est celui d’un territoire qui s’appelle la Bretagne. Il n’est pas d’occuper un hôtel particulier, le Palais de l’Elysée, situé 55 Faubourg Saint-Honoré, situé au cœur de Paris, situé nous dit-on au cœur de la France. C’est, nous dit-on, « the place to be », le lieu où il faut être. C’est le lieu où, nous dit-on, va se décider « l’avenir de la France ». Les auteurs n’y croient pas. Ou plutôt ce n’est pas leurs sujets.

La couverture, alors, présente une photo de la Vallée des Saints. On n’est donc pas non plus dans la communication en cours qui nous présente des affiches d’un seul, sorte de demi-Dieu pour qui il faut voter car il promet d’un coup de baguette magique le « changement », va assurer « l’avenir de la France ». Les Bretons doutent de ces promesses. Ils construisent l’île de Pâques du XXIe siècle. C’est du concret. C’est du granit. L’an passé, 200 000 mille visiteurs sont venus découvrir la Vallée des Saints. Pour l’édifier, ils n’ont pas choisi une « métropole ». Parmi six candidatures, Philippe Abjean a choisi la commune la plus isolée, la plus oubliée, la plus déshéritée. C’est combien l’entrée ? C’est gratuit !

Le propos surtout. Nul ne sait quel va être l’avenir de cet objet littéraire identifié. « Bretons, réveillez-vous si vous ne voulez pas finir en valets de ferme, en valets de chambre ». Dès la quatrième de couverture, le ton est donné.

Cet ouvrage n’est pas une litanie de promesses mais une invitation à l’action. Ils évoquent les projets en cours. Certains sont difficiles peut-être. Mais les gens ici ne rechignent pas à l’effort. Ils démontrent surtout que la « fin de Terre » (Finistère !) vue par le français est un Penn-ar-bed, bout et début de monde. Que les Bretons ne se résignent pas à être marginalisés par une vision parisienne du développement qui ne correspond pas à leur volonté. Globalement, ils expriment donc le ras-le-bol de cette farce élitiste et parisienne qui prône sans cesse « l’égalité » (c’est la devise ; elle est incontestable puisque c’est écrit dans la « Constitution » !) pour promouvoir les injustices et, pour le moins, des inégalités. Pour eux, c’est dans l’action que se construira la Bretagne. Implorer Paris serait lui donner un pouvoir qu’il n’a pas peut-être plus. Il faut faire sans eux.

De fait, ce livre est le cocktail constructif et positif des initiatives en cours. La Bretagne a tout pour réussir. De multiples initiatives évoquées dans cet ouvrage prouvent les dynamiques en place, mettent sur la table différents dispositifs ascendants auxquels chacun peut souscrire, invitent chacun à participer.

Le titre est alors tout un programme. « Du rêve aux possibles ! ». Le Devenir breton. L’élection présidentielle est un événement temporaire pour un palais. La Bretagne c’est l’inverse. Elle est perçue ici telle une construction quotidienne pour tous. L’enjeu n’est plus un palais unique. Il est, de fait et par des initiatives concrètes, de construire un territoire dans son ensemble. Oui, la Bretagne à un avenir, un devenir. C’est maintenant et partout. Chacun pourra alors dans cet ouvrage se nourrir d’initiatives très concrètes, en apporter d’autres, prendre ce qu’il souhaite dans cette invitation à l’action. « Si chacun fait sa part, nous irons mieux ».

Voir l’interview de Jakez Bernard