Décidément l’ouvrage « Les pays de Bretagne, racines de notre futur », éd. Breizh Diawel, 2021, fait parler. Suite au commentaire de Yann Le Meur la semaine passée, voici une réflexion complémentaire de Gwenael Henry illustrée par une carte de Bretagne. Elle superpose, afin de les comparer, les limites des 17 pays décrits dans l’ouvrage avec celle des 76 EPCI existants en 2022.  

Poursuivant la réflexion de l’ouvrage « les Pays de Bretagne. Racines de notre futur », la carte de Bretagne ci-dessus est établie en superposant les limites des pays et celle actuelle des Communautés de communes ou EPCI. Elle suggère qu’il serait possible de procéder à une intégration des EPCI au sein des Pays, moyennant quelques ajustements à la marge.

Face aux EPCI technocratiques, imposés sans concertation à partir de 2015, par l’administration préfectorale pour reprendre la main sur les velléités d’auto-organisation des élus conférée par la loi Voynet de 1999, les Pays historiques ou de constitution plus récente sont délaissés. Du seul point de vue des “compétences concédées” et des finances mobilisables cela paraît entendu. Mais pourvu que des élus non inféodés clairvoyants et les habitants se mobilisent, le match n’est certainement pas plié.

Des superpositions sont flagrantes et prouvent qu’une part des décisions des EPCI pourraient être mutualisées à l’échelle des pays. Le Kreiz Breizh, le pays de Fougères, de Saint-Malo, de Châteaubriant, de Saint-Nazaire, le pays de Vannes, etc. coïncident largement avec la réalité des Com Com. A l’opposé, certains chevauchements correspondent parfois à des EPCI qui ont été formés arbitrairement et parfois contestés (par exemple Guingamp-Paimpol Communauté). D’autres sont plus structurels car, dans tout zonage, il existe structurellement des territoires intermédiaires comme l’EPCI de Quimperlé. Et qui trouve vie en étant précisément à mi-chemin. Ici, c’est donc plus compliqué. Et ce n’est pas un hasard si ce dernier territoire hésite entre le pays de Cornouaille et celui de Lorient (il a basculé d’ailleurs de l’un à l’autre) puisque sa réalité même est de s’inscrire entre ces deux villes.

A l’inverse, il va de soi qu’en termes de notoriété par exemple, le pays est nettement plus fort que des EPCI inconnues ou méconnues par les habitants (d’ailleurs parfois désignées par des acronymes). Ainsi pour prendre un exemple, le Trégor (comme les autres pays traditionnels) possède une identité et une légitimité fortes dont ne disposeront jamais LTC, GPA, ou Morlaix communauté qui resteront des entités technocratiques. Ces trois EPCI pourraient a minima animer des complémentarités, voire concevoir en commun des projets structurants : transports, aérodromes, maritimité, enseignement, agriculture, santé, énergie… etc.  Il resterait toutefois à vérifier par une consultation si la population du pays de Morlaix souhaite rejoindre le Pays du Leon ou préfère constituer, comme c’est le cas aujourd’hui, un territoire de transition au sein d’un grand Tregor. Mais la décision peut aussi s’effectuer à l’échelle des communes, Lanmeur étant par exemple clairement trégorroise.

Il va de soi que ce type de réflexion devra être mené dans chacun des 17 pays identifiés, pour déjà en fixer les limites après consultation de la population. Ainsi pour avancer progressivement vers cette intégration au niveau de la Bretagne, il paraît faisable dans un premier temps de lister les projets inter-EPCI entre les entités d’un même Pays et d’en susciter d’autres là où il n’en existe pas encore. L’enjeu décisif est de simplifier un millefeuille décisionnel devenu illisible et coûteux, hérité de déclinaisons départementales volontairement hors-sol et obsolètes.

Les pays sauront-ils mobiliser leurs forces vives autour de projets structurants, mutualiser a minima certaines actions pour être lisibles et réels, se démocratiser en lien avec les territoires vécus par les habitants ? Il faudra peut-être rechercher de l’aide auprès de la Région pour construire, au moins dans les faits et au travers de projets concrets, une organisation territoriale reconnue par les habitants et non imposée par l’administration centrale. Cette dernière, au final, sera basée sur trois niveaux reconnus et populaires : les communes (faut-il les élargir, il en subsiste 1414 au 01/01/2023 ?) les pays et la région réunifiée.

Il est intéressant de relire à ce sujet un article paru dans le n°344 d’Economie rurale (cf lien ci-dessous) qui conclut sur le constat d’une perspective de restructuration significative de l’intercommunalité, mais qui remet peu en cause la pertinence d’une échelle d’action publique infra-régionale et supra-communautaire.

Gwenael Henry

Quelques liens :

https://bcd.bzh/becedia/fr/les-pays-une-longue-marche-vers-une-evidence  2018

https://www.insee.fr/fr/statistiques/2386251 Les pays de la région Bretagne Tableaux de bord 2017

https://journals.openedition.org/economierurale/pdf/4521 Pays et intercommunalité, quelles conséquences de la réforme des collectivités territoriales ? 2014

https://www.senat.fr/rap/r05-430/r05-4300.html  Quel avenir pour les Pays ? 2006

https://fr.wikipedia.org/wiki/Pays_(aménagement_du_territoire)