La Bretagne : les réalités contre l’appareil

gwenn ha duUne frontière de plus en plus vive s’instaure entre une Bretagne vécue, ressentie et la réalité institutionnelle. La population considère ici la pluralité urbaine et rurale comme une chance et Paris finance des métropoles. 71 % des habitants de la Loire-Atlantique se disent bretons et l’on conforte la région des « Pays de la Loire ». La quasi-totalité des scientifiques étudie sans plus d’interrogation la Bretagne telle qu’elle est, sur ses cinq départements et pour de simples cohérences analytiques (les historiens, les naturalistes, les sociologues, les géographes, les anthropologues etc.). Mais on impose à marche forcée une fusion administrative « Bretagne-Pays de la Loire » que personne ne réclame. On pourrait poursuivre la litanie des incohérences. On a tenté un temps d’effacer la Bretagne juridique, heureusement sans succès. Le droit n’en avait plus. Le droit était sans droit. 30 000 personnes dans la rue à Nantes et l’on fait comme si rien ne se passe. On vient d’abandonner les projets touristiques de valorisation des marches de Bretagne qui courent depuis des siècles de Fougères à Machecoul.

Oui mais l’histoire n’existe pas. C’est connu, les universitaires bretons sont incompétents. Ils consacrent leurs vies à un territoire sans intérêt. Le droit a tort. La science a tort. Le peuple a tort. La géographie a tort. L’histoire a tort. L’Etat français devient le nettoyeur des identités. Un effaceur de mémoire. La fusion des universités et du « savoir » est un exemple emblématique et l’on avance sur une technocratie toujours plus loin des hommes. (suite…)

« Réunification de la Bretagne ? » Un nouvel ouvrage essentiel sur l’avenir breton

Ils sont têtus dit-on. Plutôt déterminés. Le têtu bute contre un mur alors que celui qui gagne le contourne. Après le refus par l’Etat de reconnaître la Bretagne, on ne pensait pas qu’un ouvrage évoquerait aussi rapidement une capacité de rebond. Or, dirigé par Yves Lebahy et Gaël Briand, ce livre « Réunification de la Bretagne  » de l’Association des Géographes de Bretagne est un livre dans tous les sens du terme incontournable et carré (15 sur 15 cm).

Il évoque avec de multiples arguments le bénéfice pluriel pour l’ouest de la France d’avoir trois régions claires (Bretagne, Normandie, Val de Loire), le caractère indispensable d’une Loire-Atlantique pour la Bretagne et d’une Bretagne pour la Loire-Atlantique. D’ores et déjà, l’ouvrage rappelle que cette unité existe (le droit, la géographie, l’histoire, le sentiment d’appartenance etc.). Dans ce pays centralisé, sa reconnaissance permettrait surtout de renforcer les projets et de contrer un pouvoir parisien omniprésent … qui explique en boucle une non-reconnaissance et un déni de démocratie. L’ouvrage passionnant est remarquablement illustré de nombreuses cartes représentant la pertinence d’une Bretagne forte à l’échelle infrarégionale, régionale, nationale et européenne. A noter aussi quelques dessins parfois très drôles de l’illustrateur Nono. Décliné en quatre parties, l’ouvrage campe remarquablement les enjeux d’une Bretagne fonctionnant cinq sur cinq, pour son profit et celui des régions voisines. Le texte est lisible, clair, avec des chapitres bien organisés et évitant les redites. A noter en fin d’ouvrage deux articles d’Yves Lebahy qui posent des enjeux de fonds sur l’aménagement du territoire breton et le déséquilibre renforcé entre l’est et l’ouest. Il interroge surtout une vision métropolitaine « à marche forcée » qui remet en cause le polycentrisme breton et son équilibre urbain. Une réflexion stratégique de plus et des arguments scientifiques peu contestables de la part de spécialistes de l’aménagement du territoire. Comme le souligne l’ouvrage (p.9), « la Bretagne a toujours eu besoin de géographes » (M. Phlipponneau pour le C.E.L.I.B etc.). Il est plus largement à souligner que l’ensemble de la communauté universitaire, parfois pour de simples raisons de compréhension, travaille naturellement sur la Bretagne et non sur une Bretagne administrée à quatre départements. Cet Etat est de plus en plus loin des réalités sur lesquelles travaillent les universitaires, qu’ils soient historiens, anthropologues, sociologues, géophysiciens, naturalistes, politologues, juristes…  Mais l’Etat semble juger ici aussi que le pouvoir universitaire est sans compétence et que l’ensemble de la communauté scientifique se trompe. On aimerait bien parfois pouvoir comparer le niveau réel des uns et des autres. En tout cas, un ouvrage à lire absolument.

Le Comité de Rédaction de construirelabretagne.org

« Réunifier la Bretagne ? Région contre métropoles ? », Collectif Géographes de Bretagne, sous la direction d’Yves Lebahy et de Gaël Briand, Skol Vreizh, 2015, 160 p, 13 Euros, ISBN 978—36758-042-5

La farce territoriale

A l’origine d’un mouvement girondin, la Bretagne est une région qui se retrouve orpheline, bras cassé, apparemment inaudible malgré 30 000 personnes à Nantes ou la force du mouvement des Bonnets rouges. La force fait face à la farce. Si l’on a bien compris, la « grande affaire du quinquennat » était la décentralisation. Elle semblait proposer une réelle réforme territoriale supprimant les départements et créant des régions fortes. Or, la prime unique est aux « métropoles » qui deviennent des Paris en province. On tue les territoires pour créer des niches avec des « pôles » qui réuniront les plus riches. A coup de milliards, on se gave de pôles d’échanges multimodaux qui oublient les mobilités quotidiennes. Le budget de Rennes Métropole -tout un « programme »-  évoque 368 millions pour les transports, 144 millions pour la voirie et les réseaux avec le but ultime de créer un « pôle multimodal » qui profitera bien sûr aux cadres.

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Le sport, un gisement non délocalisable

Article publié dans Ouest-France du 5 mars 2015

Une première. Les services de la Région publient une synthèse chiffrée de l’économie du sport en Bretagne. Un secteur qui réalise un chiffre d’affaires de 2,8 milliards d’euros et emploie près de 30 000 personnes.

Bon pour la santé

Le rôle social du sport, son impact positif sur la santé, ses valeurs éducatives ne sont plus à démontrer, rappellent Daniel Gilles, vice-président du conseil régional en charge des sports, Jacqueline Palin, présidente du Comité régional olympique et Jean Kerhoas, membre du Conseil des sports en Bretagne. Mais, ont-ils aussi constaté, « sa dimension économique, sa capacité à créer de l’emploi de qualité et non délocalisable sont moins connues ou reconnues. » De fait, jusqu’à présent, aucun indicateur ne chiffrait le poids économique de ce secteur. L’Observatoire du sport en Bretagne et le CRESLB (Centre de ressources et d’expertise du sport et des loisirs en Bretagne) s’y sont attelés. Le Conseil du sport vient de publier, à 2 000 exemplaires « Sport Bretagne », un document de synthèse de vingt pages réalisé à partir de données fournies par les collectivités publiques d’une part, les clubs, ligues et comités régionaux d’autre part. Certaines fédérations auraient été plus réticentes que d’autres à fournir leurs chiffres… (suite…)

L’unité bretonne : que faire ?

Les Bretons ont naturellement été pour le moins dépités, sinon écœurés, par les choix d’un appareil qui a refusé de reconnaître la réalité bretonne. Certains se sont peut-être découragés. La blessure et certaines trahisons d’hommes politiques, qui pourtant s’étaient exprimés très clairement et fermement en faveur de la réunification, seront-t-elles oubliées ?

Cela dit, la Bretagne conserve son nom et n’a pas été non plus démembrée ou noyée dans un magma informe. De même, avec quelques manifestants mais une réelle volonté politique (il a suffi de quelques élus motivés), la Normandie a réussi à se faire reconnaître et c’est tant mieux. L’enjeu de la réunification ne nous semble pas perdu et ce pour plusieurs raisons. Cet enjeu est même sans doute plus important que jamais. (suite…)

Rennes, cette grenouille qui se prend pour un boeuf

Qui ne connaît pas la fable de la grenouille et du bœuf ? Une fable qui visait avant tout à faire comprendre que chacun devrait accepter à la place qui était la sienne bien entendu, une manière de considérer que l’ascension sociale est une chimère. Mais elle peut avoir une autre grille de lecture, en considérant qu’à vouloir se développer trop vite, on oublie parfois ce que l’on est et surtout d’où l’on vient au risque de ne pas pouvoir tenir.

La grenouille, cela pourrait être la ville de Rennes. Pardon, Rennes Métropole, puisque dorénavant la capitale bretonne a statut de métropole, tout comme Nantes et Brest. Une belle promotion pour cette petite ville qui se rêve place forte européenne. Cela peut choquer mais oui, Rennes est bien une petite ville, à la dimension du continent. Avec ses 206.000 habitants intramuros, elle peut difficilement boxer dans la même catégorie que Munich, Manchester, Valence ou Naples, pour ne même pas parler de la catégorie encore au-dessus. Mais elle y aspire.
En soi, il est difficile de reprocher à des élus d’avoir de l’ambition pour leur territoire. C’est cette ambition qui a fait de Rennes la plus petite ville au monde à posséder son métro, comme le rappelait fort justement Michel Urvoy dans un éditorial chez nos confrères de Ouest-France. Un métro qui a joué un rôle dans le développement récent de la ville en terme démographique et par la même occasion dans son expansion économique.
Rennes attire, c’est certain, la ville est dynamique, agréable, la vie culturelle y est plutôt riche, même si elle a été depuis largement dépassée par ce qui se passe à Nantes, elle reste à taille humaine et propose une variété d’emplois, en particulier des emplois qualifiés, qui manquent bien souvent si cruellement en Bretagne, ce qui pousse nombre de diplômés à quitter la région. (suite…)

La fausse promesse économique des métropoles

« Il faut arrêter de bâtir des politiques sur des intuitions économiques qui semblent aller de soi mais qui ne sont jamais démontrées. » En démontant les thèses de Laurent Davezies sur la surproductivité de l’Ile-de-France ou des métropoles, Olivier Bouba-Olga et Michel Grossetti mettent les politiques en garde : la promesse économique liée à la création des métropoles n’est pas avérée, il peut même y avoir des ratés majeurs.

Olivier Bouba-Olga et Michel Grossetti n’ont rien contre Laurent Davezies. L’économiste de Poitiers et le sociologue de Toulouse reconnaissent à l’économiste de Paris qu’il est « LA » référence de l’économie territoriale et le théoricien de la métropolisation de l’économie qui inspire énormément le législateur, avec des intuitions passionnantes.

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La Bretagne, un horizon démocratique… : un brillant manuel pour les régionalistes bretons

livre Daniel Cueff[Langouët] —Le livre de Daniel Cueff, présenté ici, est paru depuis plusieurs mois et c’est un ouvrage qui restera comme une référence, même pour ses contradicteurs, car il marque une étape rare de l’évolution politique de la Bretagne, celle de la formulation précise d’un régionalisme mature qui n’a jamais fait l’objet d’une réflexion politique cohérente.

Les nationalistes bretons, opposés au principe du régionalisme, se récrieront, mais ils n’ont jamais rien prouvé de ce côté-là, leurs rares théoriciens étant souvent proches du néo-thomiste très droitier, Jacques Maritain, alors que l’auteur se réclame d’une pensée personnaliste.
L’existence de ce livre dévalue singulièrement les maigres pensées produites par le mouvement politique breton, porté à l’anti-intellectualisme, qui est trop souvent dans la critique de l’État et de ses politiques conjoncturelles, donc, le contraire d’une vision politique.
Ce n’est pas un hasard que Daniel Cueff ait forgé son expérience politique à distance, et du Parti socialiste, et de l’Union démocratique bretonne. L’écologiste revendiqué (il fait partie du groupe Bretagne Écologie au Conseil régional de Bretagne) est aussi très sceptique sur la dérive extrémiste d’une fraction d’Europe Écologie-les Verts. (suite…)

Nouvelle carte des régions : la Bretagne restera seule au grand dam des patrons

La Bretagne restera composée de quatre départements. Les partisans de la Bretagne historique n’ont pas réussi à la marier avec la Loire-Atlantique. Les dirigeants d’entreprise sont déçus.

Depuis des lustres, les partisans de la Bretagne historique souhaitent qu’elle puisse retrouver sa géographie initiale à cinq départements en y intégrant la Loire-Atlantique. Nantes, la Cité des Ducs de Bretagne, avait été séparée de sa région d’origine sur décision du gouvernement de Vichy. Le Parlement n’a pas suivi les lobbyistes, la Bretagne restera à quatre départements. Les deux régions Bretagne et Pays de la Loire ne devraient cependant pas se tourner le dos, bien au contraire car elles ont depuis longtemps l’habitude de travailler sur des sujets économiques communs.

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2014, une année de perdue pour la Bretagne

Article publié sur le site Ar C’hannad

Les fins d’année sont traditionnellement propices aux bilans en tout genre sur les douze mois qui s’achèvent, une manière de faire le point sur la différence entre les espérances du début et la réalité des faits, avant de se tourner résolument sur celle qui suivra. Difficile donc d’y couper, d’autant que pour la Bretagne, l’année 2014 aura été, sans aucun doute possible, riche en événements et enseignements en tout genre.

Une année pleine de promesses, entre la possibilité de voir émerger un nouveau mouvement citoyen, à l’image sans doute de Podemos en Espagne, mais également d’assister au début du redressement de l’économie bretonne, grâce en partie à un Pacte d’Avenir pour la région qui n’avait guère convaincu lors de la signature mais dont on aurait, malgré tout, pu espérer que l’Etat fasse ce qu’il faut pour qu’il produise rapidement des effets. Sur le plan géographique enfin, avec l’annonce dès le début de l’année d’une future réforme territoriale relançant l’espoir, pour les plus ardents défenseurs de la cause, de la réunification de la péninsule.
Au final pourtant, l’année aura été plus que décevante, à tous points de vue. Sur le plan économique avant tout, si le préfet de Bretagne se réjouissait récemment de la bonne avancée du Pacte d’Avenir, force est de constater que les effets se font attendre. Pire, ils n’ont pas été suffisants pour sauver Tilly Sabco ni Gad, tous deux passés par la case redressement judiciaire, avec plusieurs dizaines d’emplois perdus à la clé, une fois de plus, dans un agroalimentaire breton qui vit décidément une période difficile. (suite…)